- Date de la sortie
Scialet de la Fromagère
- Participants
- Prénom
- Guillaume
- Prénom
- Torii
Jamais deux sans trois…ou trois sans quatre !
Le gouffre du D35, nous commençons à le connaitre: nous y sommes déjà descendus deux fois ensemble: une première pour poser les pieds et faire un petit tour dans la rivière souterraine et une seconde pour faire la jonction avec la rivière du réseau historique de la Fromagère. Torii, accompagné de Laurence quelques semaines auparavant, a déjà fait une première tentative avortée pour rejoindre le siphon terminal. Aussi, quand il me propose de descendre, à nouveau, bien décidé à atteindre le fond du réseau de la Fromagère, je ne peux qu’accepter. Je sais déjà que cette sortie risque d’être la plus engagée que j’ai jamais faite mais la curiosité l’emporte sur l’appréhension.
La veille au soir, nous faisons un saut chez son ami Valentin qui lui prête gracieusement sa pontonnière (j’ai moi-même fait l’acquisition d’une pontonnière neuve). Il en profite pour nous refaire un résumé de ce qui nous attend au fond et nous donner diverses recommandations. Notre objectif premier étant d’atteindre le siphon terminal, il nous prévient que le temps raisonnable aller/retour est de 16h environ. Si jamais nous sommes motivés, nous pouvons aussi continuer au-delà, en direction de la jonction supposée avec le Berger, jusqu’à la salle de la Pluie Argentée et le Siphon Émeraude. Il termine en nous rappelant que David Parrot et Cédric Lachat, les deux “aliens” qui tentent justement de rejoindre le Berger, descendent en 2h…et peuvent remonter en 2h15, ça calme !
Après une bonne nuit de sommeil, nous partons de Grenoble vers 6h pour arriver à Engins vers 7h après l’obligatoire arrêt à la boulangerie. Torii a eu la bonne idée de prendre deux luges qui nous permettront de transporter les kits lors de la marche d’approche dans la neige. Car en cette mi-décembre, le Vercors est déjà bien blanc et de nouvelles chutes sont prévues durant la journée. Après 1h20 à transpirer en tirant nos luges comme des chiens de traineaux, nous atteignons les tipis, maintenant familiers, qui marquent l’entrée du D35. Nous procédons à leur rapide déneigement puis nous engouffrons dans le premier pour nous équiper. En enfilant toutes mes couches, j’ai la drôle de sensation d’être un oignon en train de se rhabiller !
A 10h, nous attaquons la descente du D35. Je prends la tête. La progression est très rapide, nous enchainons à toutes vitesse les méandres et les puits et après un peu plus d’une heure nous atteignons la rivière. La chance est de notre côté: le niveau de l’eau est très bas, proche de l’étiage. Nous ne ralentissons pas pour autant et enchainons aussitôt avec la descente de l’aval. Le lieu est aussi magnifique que dans mes souvenirs et c’est avec un réel plaisir que je parcourir à nouveau cette succession de ressauts et de couloirs chaotiques. Hormis un spit qui lâche d’un coup lorsque Torii se met en tension en haut d’un petit ressaut, la progressions se déroule sans histoire et il nous faut une heure supplémentaire pour rejoindre la confluence des deux rivières. A partir de là, c’est pour moi l’inconnu. La progression devient alors plus exigeante sur certains passages de vires tandis que la rivière continue à révéler toute sa splendeur.
C’est après les Toboggans que les choses se complexifient pour moi. La passage du P30, qui démarre avec des cordes au plafond, n’est déjà pas chose aisée. Après ça, les galeries, jusqu’à présent relativement larges, laissent place à un méandre de plus en plus étroit et vertical. Sans être d’une difficulté extrême, la progression ralentit sévèrement: désormais, nous ne faisons que monter et descendre dans le méandre pour péniblement progresser de quelques misérables mètres. Le sentiment que je vais m’épuiser avant de voir le fond commence à m’assaillir et je fais part de mes doutes à Torii qui insiste néanmoins pour persévérer encore un peu.
Heureusement, 30 minutes après, la rivière s’élargit à nouveau et nous tombons nez à nez avec une corde montante que Torii identifie comme étant l’intersection entre le bivouac et a galerie d’exploration menant au Berger. D’abords sceptique, je me laisse finalement convaincre par la morphologie des lieux et la présence de bouteilles de plongée. Nous sommes donc tout prêt du siphon terminal ce qui est pour moi un soulagement ! Nous faisons un rapide point sur la suite: nous nous mettons rapidement d’accord sur le fait que nous faisons une croix sur le Siphon Émeraude et la salle de la Pluie Argentée qui impliqueraient de la remonté sur corde. Torii propose néanmoins de tirer jusqu’au bivouac histoire de manger quelque chose de chaud mais je n’ai pas faim du tout et je refuse car le plus important pour moi est à présent de faire demi-tour car je sens que je fatigue. Après une rapide pause qui permet à Torii de dévorer un sandwich, j’accepte au moins d’aller jeter un rapide coup d’œil au siphon terminal. Torii, à grand renfort de “Alleeeer, viens, c’est trop joli !”, me convainc de parcourir les derniers mètres que je franchis à contre cœur avec de l’eau jusqu’à la poitrine (merci la pontonnière !). Après une rapide séance photo, nous rebroussons, enfin, chemin. Il est pile 16h, nous avons donc mis 6h exactement à atteindre le fond, ce qui nous semble honorable.
La remontée du méandre et du P30 est pour moi la séquence la plus pénible de toute la sortie. Le passage des cordes au plafond en haut du P30 se fait réellement dans la douleur, à grand renfort de grands écarts dont je ne me savais même pas capable ! Je profite d’une nouvelle pause, dans une courte galerie au sec permettant d’éviter un siphon, pour finalement manger un bout de mon sandwich. Nous reprenons l’ascension de la rivière et retrouvons avec gratitude la base du D35 vers 21h30.
Le début de la remonté des puits se déroule sans histoire, Torii me donne même quelques conseils qui se révèlent forts utiles pour améliorer ma méthode de progression en alternatif. Bien décidé à utiliser le réchaud que nous avons emporté, il fait une nouvelle pause afin de manger un poulet au curry lyophilisé tandis que je continue tranquillement. Peut-être mange-t-il trop vite ou peut-être cette nourriture est trop riche pour l’effort que nous devons fournir, toujours est-il qu’au moment de repartir il est pris d’un début d’indigestion qui l’oblige à s’arrêter à nouveau. Je stoppe aussi pour l’attendre, un puits au-dessus de lui, tout en lui faisant part de mon inquiétude sur sa capacité à continuer dans son état. Je suis visiblement le seul que cela préoccupe car il prend ça très calmement en me rappelant qu’il a déjà connu pire et que ça, c’est rien ! J’en profite pour enfiler mon poncho de survie car je commence à avoir froid. Soit disant réutilisable, je le déchire dès les premières manipulations… Au bout d’une vingtaine minutes (et autant de rots salvateurs pour Torii), nous reprenons la progression.
Arrivés en haut des grands puits, commence la succession finale de méandre et de puits qui nous sépare de la sortie. La fatigue et l’étroitesse des méandres que je subis pleinement, me font fortement ralentir. J’avance lentement sans plus réfléchir à rien, en rampant lourdement et en pestant à chaque fois que mon pantin se prend dans cette maudite cordelette qui me relit à mon kit ! Je racle et frotte la roche autour de moi à tel point que j’en viens même à perdre progressivement mon baudrier qui finit sur mes chevilles. Je profite alors du moment où je le réajuste pour reprendre mes esprits. Je rejoins finalement Torii qui, parti devant, semble aller beaucoup mieux. Transis de froid, je remonte les derniers mètres habité d’un nouvel état d’esprit: je suis certes exténué mais c’est avec un calme retrouvé que je progresse. J’accueille les traces de neige indiquant la proximité de l’entrée avec joie et me hisse péniblement en dehors du tipi vers 2h45. Il a effectivement reneigé durant notre sortie mais le temps est parfaitement calme et aucun vent ne vient refroidir l’atmosphère. Nous nous changeons tranquillement et c’est plein d’une énergie nouvelle que nous prenons le chemin du retour. Nous retrouvons d’ailleurs avec plaisir la vaste piste carrossable qui nous permet, quand la pente s’y prête, de glisser à toute vitesse sur nos luges. “Je fais de la luge en plein nuit avec un kit de spéléo sale, Kamoulox !”
Nous rejoignons finalement la voiture vers 5h pour une heure plus tard se jeter sur nos lits.
Moi qui ai généralement la chance d’éviter toute courbature, j’aurais mal un peu partout (jusqu’en dans les doigts) durant 2/3 jours !
Pour conclure: je suis très fier d’avoir pu accompagner Torii (merci à lui !) pour cette sortie qui s’est effectivement révélée être la plus ardue de ma courte carrière de spéléo mais j’avoue avoir dangereusement approché mes limites, limites à partir desquelles le moindre petit évènement peu devenir sources de bien des em….. Il faut encore que je gagne en endurance et en technique de progression afin d’éviter à l’avenir de subir AUTANT la cavité. Mes prochaines sorties seront, assurément, plus tranquilles !
- Publié par
- Guillaume