Date de la sortie
·
Temps d'activité
10 h passées sous terre

Scialet du Blizzard

Participants
  • Prénom
    Torii
  • 🦇 des participants externes

Traversée Blizzard —> Silence

TPST : 10h, Début approche 10h15, entrée sous terre 12h30, sortie 22h30, retour voiture 2h

 

En week-end à Grenoble, et devant me rendre avec Valentin et Matisse à une soirée au niveau du col de l’Arzelier le samedi soir, l’envie d’une sortie spéléo dans le coin nous titille. Matisse pense d’abord à la grotte des Deux sœurs, puis Valentin nous rappelle que le Blizzard est équipé en fixe jusqu’à la rivière, et que le puit du balcon a l’air incroyable à descendre si on prendre le matériel pour (nous ne prendrons en revanche pas les 4 dernières cordes permettant d’accéder au fond). Kevin se joint à nous, et l’idée d’une traversée Blizzard Silence se profile. En effet différentes équipes (membres du SGCAF et des FJS) ont réalisé un travail phénoménal afin d’équiper (en plusieurs fois) cette traversée qui n’avait jamais été réalisée jusqu’à maintenant. Le réseau craignant fortement les crues, ces mêmes personnes attendaient un créneau de beau temps, et la dispo de tout le monde pour faire cette traversée ensemble et déséquiper. On a donc eu la chance de bénéficier de ce créneau car les leur sortie aura lieu le week-end prochain. Merci à eux !

 

Le rendez-vous est donné à 9h à Grenoble, et le temps de faire la route jusqu’à Prelenfrey, nous commençons à marcher à 10h15. 700m de dénivelé positif et 240 de D- nous séparent du Blizzard, ainsi que le passage exposé du pas de L’œil. Je regrette rapidement mes deux sacs pesant un âne mort dont le kit que je porte à l’avant et qui me tape les dents lorsque je monte trop haut les genoux. Quand je vois les copains se balader tranquillement avec leur sherpa, je me dis qu’il va encore falloir investir. Nous évoluons au début dans le brouillard, puis, avant le pas de l’œil, nous passons au-dessus de la mer de nuages et la vue est juste splendide. Le mont Aiguille est entouré d’un foulard de nuages, et le Mont Blanc se distingue clairement au loin. Les pentes herbeuses ouest, exposée au vent durant la nuit, sont entièrement givrée et nous marchons entourés du crépitement du soleil qui détruit rapidement ce paysage éphémère aux notes impressionnistes.

 

Nous nous arrêtons d’abord au Silence pour déposer nos affaires et revêtir pontonnières et long john néoprène, puis gagnons l’entrée du Blizzard. Il est 12h30 lorsque je rentre en premier dans la cavité. Un petit ramping donne accès au premier puit qui n’est pas bien grand, puis tout s’accélère : les puits deviennent de véritables cathédrales, et l’équipement plein vide fait chauffer les descendeurs. L’équipement est toujours sécuritaire, mais pas toujours très lisible comme une tête de puit reprise sur 2 spits 5m plus haut. Différents affluents créent l’actif qui nous accompagne et rafraîchis le long de la descente. Nous arrivons en 1h30 à -500 au niveau de la rivière qui est juste magnifique. Valentin nous fera la présentation de sa « salle de bain » et de la baignoire qu’il aurait lui-même construite. La galerie est de plus en plus déchiquetée, et de profondes bassines nous forcent à faire des acrobaties pour ne pas trop mouiller le haut du corps. C’est aussi l’occasion de travailler les jeux de lumières et réaliser de jolies photos. Quelques escalades, de jolis gours cristallisés et nous voilà au puit du balcon. Kevin et moi prenons le temps de manger pendant que Matisse équipe avec Valentin le jolie P47. Kevin test son nouveau poncho : c’est la première fois qu’il a plus chaud après s’être arrêté qu’avant ! (Encore un achat à envisager). Les appels de Valentin nous font comprendre qu’il est l’heure de descendre, et nous les rejoignons dans le fracas assourdissant de la cascade. Nous nous baladons encore quelques temps dans le collecteur à -600 au milieu d’éboulis et de blocs suspendus puis prenons le chemin du retour. Il est 16h lorsque Kevin et moi somme de retour en haut du puit du balcon, et nous partons devant pour prendre de l’avance : Valentin et Matisse n’auront que peu de peine à nous rattraper même en déséquipant !

 

C’est au niveau du premier fractionnement du puit permettant d’accéder à la rivière que nous entamons la traversée en direction du Silence. La traversée se fait en ascendance, et est bien plus longue que ce que je pensais (en même temps il n’existe pas de topographie complète de cette jonction outre quelques croquis, et il était donc difficile de se projeter). Nous évoluons d’abord en hauteur par rapport à la rivière dans un méandre confortable équipé de mains courantes. S’enchainent ensuite deux longueurs mono-points, puis un méandre bas de plafond dans lequel on avance avec de l’eau jusqu’au ventre. Au bout de ce méandre on entend le brouhaha d’une cascade, et c’est un P25 que l’on doit remonter. Au milieu de celui-ci, je me rends compte que la corde frotte fortement. La roche présentant de bonnes prises, j’essaye donc de remonter en petite escalade afin de minimiser le travail de la corde. C’est alors que je pars en arrière, entrainé par plus d’un mètre cube de roche qui se décroche de la paroi. Je vois l’action au ralenti et visualise déjà le bloc qui me tombe dessus couper la corde. Par chance j’arrive à orienter sa chute sur le côté grâce à mon genou et le bloc s’écrase en bas avec un bruit assourdissant. Heureusement, étant donné l’embrun engendré par la cascade, les copains n’attendaient pas sous le puits mais 5m plus loin. Valentin me racontera par la suite avoir entendu un cri, avoir eu le temps de se retourner, se faire asperger le visage par une vague qui leur a déferlé dessus, puis s’essuyer les yeux en se questionnant sur l’objet à l’origine de cette vague. Je prends quelques secondes pour reprendre mes esprits, puis repars en estimant que je serai plus en sécurité une fois en haut. Les autres me rejoignent, on discute un peu, on vérifie que mon genou aille bien puis on repart. Certaines salles sont magnifiques : nous rampons au milieu des stalactites et sommes entourés de cristaux. On fait au mieux pour préserver ce lieu incroyable : il n’est pas si mal que ces passages soient peu fréquentés étant donnés leur fragilité. S’ensuit ensuite un long méandre exposé où il faut par moments progresser très en hauteur. N’étant pas à l’aise dans ces situations, et ayant mal au genou et au coude à cause du bloc de pierre, je n’évolue pas bien vite et demande à Kevin de rester derrière pour me rassurer. Nous arrivons alors à un P60 plein pot. Matisse part devant dans le but de sortir rapidement et de rejoindre les autres copains à la soirée pendant que nous prendrons le temps nécessaire pour la suite des péripéties. Il nous avouera plus tard avoir raccourci de moitié la déviation car la corde a frotté durant toute sa remontée et est tonchée sur plusieurs centimètres. Le P60 donne la nausée tant l’élasticité se fait ressentir, mais l’ambiance est grandiose : on ne distingue ni le haut, ni le bas de la corde, et les parois sont elle aussi très éloignée. L’ascension se fait sans bruit dans la brume qui nous entoure. Il faut ensuite continuer dans un méandre boueux (c’est triste, on était si propres jusqu’à maintenant), descendre une escalade de 30m, remonter une corde pourrie, puis passer de manière méthodique une tête de puit extrêmement étroite (alias la cuvette de chiottes) pour enfin arriver dans le Silence.

 

C’est à partir de là que la fatigue va commencer à se faire ressentir, et que la remontée va se complexifier. Heureusement, comparé au Blizzard, les puits sont majoritairement fractionnés. On remonte tranquillement les 500m de puits restants. Ils sont toujours aussi monumentaux, mais j’ai personnellement plus de mal à m’attarder sur la beauté de mon environnement. J’essaye plutôt de minimiser mes dépenses énergétiques et de me concentrer sur l’efficacité de mes manips. Le plus perturbant était sûrement la longueur des cordes déployées : une C100, une C200 et quelques bouts de cordes intermédiaires couvrent une bonne partie des puits. Additionné au fait que Kevin et Valentin répètent depuis environ 3h (et le feront jusqu’à la fin) « Courage !! Il reste plus que 300m à remonter ! », j’ai vraiment l’impression de faire du sur place.

 

Il est 22h30 lorsque nous sortons enfin du Silence. Il faut se changer avec un vent glacial et les affaires ont gelé, mais les étoiles nous éclairent et la montagne est paisible. Le plus éprouvant sera finalement la marche retour avec les énormes sacs : les 250m de dénivelé jusqu’au pas de l’œil se feront avec une pause tous les 20m. Le pas de l’œil et les 100m de dénivelé exposés demande une très grosse concentration : entre la nuit, l’énorme sac qui me déstabilise, et mes jambes qui n’arrivent plus à soutenir mon poids, le vide me terrifie. Valentin, plus lucide, se tient proche de moi prêt à stopper toute glissade. Il faut ensuite descendre les 600m restants. Ce sera clairement l’épreuve la plus dure : entre le poids des sacs, la fatigue, le manque de nourriture et d’eau, ainsi que le froid, mon corps ne suit plus. Valentin et Kevin, un peu plus en forme que moi, se relayent pour m’aider à porter un de mes deux sacs (merci beaucoup à tous les deux !!). Nous arrivons enfin à la voiture à 2h du matin. Finalement, aller à la soirée est inconcevable et nous rentrons à Grenoble. On passe quand même voir Matisse afin d’échanger des affaires. Je suis « rassuré » lorsqu’il me confie qu’il était lui aussi en hypoglycémie et que la descente était extrêmement dure.

 

Cette traversée aura été une épopée, un véritable voyage souterrain, une mission physique et mentale. Sûrement une des plus belles sorties réalisables dans le Vercors, mais qui demande des capacités que je n’étais peut-être pas encore prêt à fournir.

Encore merci à tous ceux qui ont équipé et rendu possible cette traversée, aux copains pour la rigolade sous terre, et à Kevin et Valentin pour le soutien durant la descente !

Torii

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Torii