- Date de la sortie
- Temps d'activité
- 11h18 passées sous terre
Scialet de la Combe de fer
- Participants
- Prénom
- Guillaume
- Prénom
- Torii
« C’est pas très beau et la progression y est vraiment chiante. Jamais j’y retournerai. » Ce sont, à peu près, les termes employés par Valentin, un ami de Torii, lorsqu’il lui a parlé de la Combe de Fer. Mais ça, il ne me le confessera qu’en fin de journée, juste après avoir enfin retrouvé le bon chemin après nous être tortillés en vain dans le mauvais méandre. Néanmoins, nous n’en sommes pas encore là.
Il est à peine 6h30, un dimanche matin, et je prends la route de Grenoble, la tête encore enfoncée dans une autre partie de mon anatomie que la décence m’interdit de mentionner. Je récupère Torii chez ses parents à Gre, pas beaucoup plus frai : Toute la veille, il a décuvé de sa sortie du vendredi soir, à l’occasion de la fête de la bière musique. Après l’arrêt obligatoire à la boulangerie de Lans en Vercors pour le ravitaillement, nous prenons la route de Corrençon où nous garons la voiture sur le parking du golf. On fait rapidement les kits + les sacs car nous avons devant nous une bonne heure de marche d’approche que nous effectuerons en tenue légère pour ne pas arriver à la grotte ruisselant de sueur. Torii, prévoyant, a la trace GPS sur son téléphone ; on ne risque pas de se perdre.
Et bien si ! on arrive quand même à perdre le chemin et on finit la montée un peu en « hors-piste », dans le brouillard, en suivant une crête à la végétation dense et humide. Le temps de rapidement se changer dans la jolie petite cabane visiblement construite pour les équipes d’exploration et il est 10h45 lorsque nous nous approchons de l’entrée du scialet de la Combe de fer, un vaste portique qui surplombe un raide éboulis que nous commençons à descendre. Cette cavité présente un beau réseau qui se développe sur plusieurs kilomètres pour un point le plus bas à -580 m. Notre but est double : accéder par le réseau de Juin, équipé en fixe, à la salle du dôme, qui semble présenter de belles dimensions. Puis, avant de rebrousser chemin, descendre à -375 m au pied du puits de la Boue qui, d’après les dires de Torii est bien joli, et qu’il faudra équiper avec le kit lourd de cordes que nous avons apporté. Le premier obstacle sérieux à franchir sera un petit méandre d’à peine 200 m de long mais qui a la réputation d’être bien hardcore car salement étroit ! Nous savons déjà que la visite sera longue et nous ne prévoyons pas de sortir avant 22h avec une sonnette prévue à 1h du matin.
Arrivés au pied de l’éboulis et après moins de 100 m d’horizontale, nous commençons à nous faufiler gentiment dans ce que nous prenons d’abord pour le méandre tant redouté, que viennent recouper de petits puits rapidement descendus. Chacun y va de son « Ça va, franchement, c’est tranquille ! », « C’est pas si compliqué ! », « Si c’est ça le plus dur… ». Les phrases de ce type fusent tant et tant que, face à ce torrent d’optimisme, je vérifie le topo : en fait nous sommes juste en train de descendre les premiers puits sensés précéder le méandre et les quelques étroitures qui les séparent les uns des autres nous semblent en effet pour le moment bien débonnaires… Ce n’est qu’une fois arrivé devant la véritable entrée du fameux méandre que le mot « étroit » prend tout son sens. Je décide d’ouvrir le ramping :
Je me couche,
je fais un mètre,
je m’arrête,
je recule d’un mètre…
et je commence à vider la poche pectorale de ma combinaison… Ça s’annonce bien ! Notre progression dans le méandre est en effet très laborieuse et nous ne croisons que peu d’espace nous permettant de nous redresser. Pour ne rien arranger, deux chatières doivent être franchies, dont une qui a le bon goût de présenter un virage sec à 180°. Il n’y a plus de Torii ni de Guillaume, juste deux petits bousiers gémissants qui poussent devant eux leurs grosses bouses de kits.
Après une heure et demie de reptation, le retour à la position debout et la belle résonance que nous percevons nous indique que nous sommes arrivés, enfin, au sommet du P40 qui conclut le méandre. Avant même d’attaqué la descente, je commence déjà à penser à la remontée car je m’inquiète de mon état lorsqu’il faudra à nouveau se tortiller à plat ventre pendant plus d’une heure. C’est donc avec une certaine appréhension que je suis Torii dans la descente quasi plein pot de ce puits d’un beau volume. Une fois en bas, vu l’heure qu’il est, l’idée d’aller jeter un œil à la salle du dôme nous apparait désormais illusoire et nous décidons donc de continuer directement en direction du puits de la boue. Après trois puits secondaires commencent les grandes galeries qui nous séparent de notre objectif. En étudiant le topo avant la sortie, j’avais estimé que cette étape ne devait pas nous prendre plus de 20 minutes.
1 heure plus tard (!!!) nous atteignons le camp 1 constitué d’une grande bâche transparente sommairement étalée au sol. Les grandes galeries, toutes encombrées d’éboulis boueux et glissants, ce seront finalement révélées tout aussi longues à franchir que le reste de la cavité. Il faut dire que la traversée du méandre nous a aussi rendu plus prudent, l’idée même d’être brancardé à travers un réseau si complexe étant terrifiante… C’est donc avec la démarche et la prudence du cosmonaute fraichement débarqué sur la Lune que j’ai arpenté ces immenses volumes qui ont d’ailleurs tout du labyrinthe. Nouvelle concertation et nouvelle réduction du programme : il est 15h passées, plus question de descendre le puits de la boue. Nous décidons néanmoins d’aller y jeter un rapide coup d’œil même si seul Torii ira se pencher au-dessus de ce puits que nous n’équiperont finalement pas. Après le retour au camp 1, nous prenons une pause déjeuner bien méritée et nous repartons sans trop trainer pour la remontée.
Arrivés en haut du P40, nous attaquons le retour à travers le méandre que j’appréhendais tant et, surprise ! cette nouvelle traversée se fait bien plus facilement (ouf…) et c’est donc tranquillement et en bonne forme que je suis Torii dans la remontée des derniers puits nous séparant de la surface.
Arrivé en haut d’un des P20 je le retrouve dans une petite salle à m’attendre. Nouvelle courte pause avec barre de céréales et bavardage d’une vingtaine de minutes. Puis, nous repartons en suivant tout naturellement le boyau qui s’ouvre à nous dans la continuité de la salle et là… ça commence à se gâter. Torii, toujours devant, s’engage dans un méandre d’une étroitesse redoutable qui nous surprend d’emblée, « on est passé par là ? ». Torii cherche néanmoins à persister et c’est quand nous commençons à enjamber des puits sans main courante que nous reconnaissons enfin que nous faisons fausse route. Je commence sérieusement à m’inquiéter car il est déjà bientôt 20h et je n’ai aucune envie de déclencher un secours parce que nous n’avons simplement pas retrouvé un chemin déjà parcouru à l’aller. Retour dans la petite salle, je reviens un peu plus en arrière et… miracle ! le bon passage se présente, en toute simplicité, pile dans l’alignement du dernier puits remonté. Gros soulagement car nous n’avons finalement perdu qu‘une demi-heure et Torii profite de ce moment pour me confier ce que Valentin lui a dit à propos de la Combe de Fer : “Pas très beau et progression difficile.” Bref, peu d’intérêt ! On se marre un coup et on repart. Et nous ne sommes pas au bout de nos peines car les dernières petites étroitures qui nous avaient paru si simples le matin-même s’avère bien plus redoutables à franchir à la montée. Même Torii, mince comme une feuille de papier à cigarette, galère à passer. Nous continuons tant bien que mal même si la fatigue commence à bien se faire sentir.
Nous retrouvons donc le pied de l’éboulis d’entrée avec soulagement et un peu de fierté car nous sortons finalement de la cavité à 22h pétante/pile/exactement/avec une précision d’horloge atomique (rayer les superlatifs inutiles).
Le petit crachin désagréable qui accompagne nos premiers pas dehors nous font vite comprendre que nous serons privés d’un beau ciel étoilé. Après s’être rapidement changé à la cabane, nous attaquons la descente vers le parking du golf que nous atteignons un peu avant minuit. Le temps de rentrer à Lyon, de poser Torii chez lui, de prendre la douche pré-dodo, et il est plus de 2h du matin quand je me jette, enfin, en chute libre dans mon lit.
Finalement, que retenir de cette sortie, l’une des plus longues et plus éprouvantes de ma courte carrière de spéléologue ?
- Une bonne expérience de progression en ramping avec un kit dans un méandre.
- Le mauvais chemin pris après la petite salle, alors qu’il suffisait de retourner 10 mètres en arrière —> toujours garder du recul sur la situation au lieu de s’obstiner.
- Finalement, la Combe de Fer, c’est pas si moche !
- Publié par
- Guillaume